1. Réactions biochimiques

Les mécanismes chimiques du phénomène sont mis en évidence dès la fin du siècle dernier, par le physiologiste Raphaël Dubois. Celui-ci observe une réaction lumineuse de quelques minutes en réalisant un broyât d'organes lumineux de Pyrophorus (Coléoptère), mélangés à un peu d'eau froide. Ce broyât réalisé dans de l'eau chaude ne produit pas de réaction lumineuse. La bioluminescence est inhibée. Dubois a alors l'idée d'ajouter un peu de l'extrait à l'eau chaude, à la préparation traitée à l'eau froide, dont la luminescence a disparu, ce mélange réanime la luminescence. Les résultats de ces expériences impliquent l'existence de deux produits ; l'un, la luciférine, thermostable et en quantité réduite car la réaction ne persiste pas, et l'autre, la luciférase agissant comme une enzyme.

Le mécanisme général des réactions bioluminescentes résulte de la combinaison de la luciférine avec la luciférase, l'ensemble réagissant avec l'oxygène pour former l'oxyluciférine énergétiquement instable. Le retour à la stabilité passe par l'émission d'un photon, dont la longueur d'onde (couleur biologique) dépend de la structure du complexe luciférine-luciférase (fig. 1.1).

Il faut toutefois préciser que le couple luciférine-luciférase ne présente pas de structure unique. Il est donc nécessaire de spécifier l'origine de ce couple par exemple la luciférine de Luciole, Photynus pyralis. Les luciférines identifiées chez les quelques organismes étudiés, soit environ 1% des espèces bioluminescentes, appartiennent au moins à cinq groupes chimiques différents : Aldéhydes, Benzothiazoles, Tétrapyrroles, Flavines, Imidazolopyrazines.

Les différents systèmes de bioluminescence sont présentés selon les types de réaction (cf. Annexe 1).

1.1. Oxydation précédée de l'activation du substrat.

L'étude de ce système biochimique est réalisé sur les Lucioles Photynus pyralis et implique non seulement de la luciférine, de type benzothiazole, de la luciférase, de l'oxygène, mais aussi de l'ATP en présence de l'ion divalent magnésium.

La première réaction, catalysée par la luciférase, est l'activation de la luciférine avec formation de luciféryl adénylate liée à l'enzyme. Cette réaction est réversible et libère le pyrophosphate inorganique. La luciféryl adénylate formée est oxydée par l'oxygène moléculaire et donne l'oxyluciférine. Cette molécule, dans un état électronique excité, retourne à l'état stable avec émission de lumière et formation de CO2 et AMP (fig. 1.3).

L'intensité lumineuse produite est proportionnelle à la concentration d'ATP pour des concentrations en luciférase, luciférine et en oxygène constantes.

La luciférine de type benzothiazole est une molécule fluorescente de poids moléculaire 280,3. Sa forme native est la forme D et non la forme L, inactive pour la production de lumière. Les deux molécules de luciférine interagissent avec la luciférase, toutefois l'oxydation de la forme L ne se réalise pas. Cette dernière contribue uniquement à stabiliser la bioluminescence.

La luciférase comme de nombreuses enzymes nécessite des ions divalents pour son activité. Le support de la luciférase est le complexe MgATP . L'ion divalent Mg peut être remplacé par d'autres ions divalents mais l'activité de la luciférase est alors modifiée à la baisse et même totalement inhibée avec l'ion calcium.

La réaction de bioluminescence présente un temps de latence de 25 ms puis cette réaction augmente rapidement jusqu'à un maximum à 300 ms (fig. 1.4). Le pic de la luminescence est suivi d'une décomposition due à l'inhibition par le produit de la réaction, l'oxyluciférine. Le spectre de la bioluminescence de Luciole, Photynus pyralis, présente un maximum à 560 nm mais celui-ci peut varier. Cette variation n'est pas due à la luciférine, qui ne diffère pas d'une espèce à l'autre, mais à des structures de luciférase légèrement différentes. Ce spectre peut également être modifié en fonction du pH et de la température. Ainsi au pH neutre, c'est à dire dans les conditions normales, la lumière émise est jaune-verte. Si le pH est acide, cette lumière devient rouge. La température influe elle aussi sur le spectre de la bioluminescence, ainsi pour des températures supérieures à 25°C et en présence d'agents dénaturants, la lumière émise est rouge.

Ce système biochimique possède des facteurs limitants tels que l'oxygène. En effet, en anaérobiose, les organes lumineux ne produisent pas de lumière. De même la température tend à augmenter le temps de latence de la réaction bioluminescente.

1.2. Mécanisme d'oxydation précédé par une réduction

Dans ce système qui se trouve chez les bactéries et les champignons, la luciférine est de type aldéhyde. Le mécanisme d'oxydation de cette réaction est précédé par une réduction.

Comme pour la luciole, la bioluminescence est dépendante de plusieurs molécules, une luciférase bactérienne, une flavine mononucléotide réduite (FNMH2) qui sert de luciférine, un aldéhyde servant de cofacteur et de l'oxygène moléculaire. La luciférase catalyse l'oxydation concomitante de FMNH2 en FMN et de l'aldéhyde aliphatique en acide gras, en présence d'oxygène. La lumière émise est de couleur bleu-vert et présente un maximum d'émission à 490 nm pour Vibrio fischeri (bactérie marine). Le FMNH2 de la réaction luminescente provient du FMN qui est réduit par une oxydoréductase fonctionnant avec NADH ou NADHP (fig. 1.5).

Chaque bactérie possède une luciférase particulière, par exemple celle de Vibrio harvey est un dimère de masse moléculaire égale à 79000 et catalyse simultanément l'oxydation de l'aldéhyde et du FMNH2 grâce à la formation d'un complexe luciférase-FMNH2 qui réagit avec l'oxygène et forme un second intermédiaire : E-FNMH-OOH. Cet intermédiaire II, oxyde l'aldéhyde et forme un acide gras ainsi qu'un complexe luciférase-flavine excité. Ce dernier retrouve un état stable en restituant, sous forme de lumière, une partie de l'énergie emmagasinée, puis se décompose en libérant le FMN.

1.3. Oxydation de la luciférine

Ce système repose sur une réaction enzyme-substrat chez Cypridina, crustacé des Caraïbes. La luciférine contient un noyau imidazole-pyrazine substitué. La luciférase est un héxamère formé par 6 sous unités identiques. Cette enzyme catalyse l'oxydation, par l'oxygène dissout, de la luciférine en oxyluciférine avec formation de gaz carbonique. L'oxyluciférine est un mono anion dans un état excité et correspond à l'émetteur (fig. 1.6).

1.4. Systèmes de péroxydation

Le mécanisme bioluminescent de Diplocardia longa nécessite une péroxydase. La réaction de bioluminescence est une oxydation de la luciférine en présence de luciférase, non par l'oxygène mais par de l'eau oxygénée. L'oxygène dissout n'est donc pas nécessaire, il est même inhibiteur.

La luciférase est une protéine asymétrique de poids moléculaire 300 000 qui contient des lipides, des glucides, des aminoacides (hydroxyproline) et du cuivre. La luciférine serait le N-isovaléryl-3amino-1-hydroxypropane (fig. 1.7).

La luciférase agirait ensuite sur la "luciférine" pour donner la bioluminescence, mais ni la nature de l'émetteur ni celle des produits formés n'a pu être identifiée. Ni la luciférase ni la luciférine ou ses produits de dégradation ne sont fluorescents. Cela suggère la possibilité d'un transfert d'énergie.

1.5. Activation des systèmes "pré chargés"

Les composés préchargés sont capables de libérer de l'énergie photonique sans réaction chimique. La méduse Aequorea contient une protéine appelée aequorine qui produit de la lumière en présence d'ion Calcium. Il n'existe pas de réaction enzymatique, et l'oxygène n'est pas nécessaire pour la bioluminescence. L'aequorine est formée d'une apoprotéine et d'une luciférase.

L'apoprotéine de type cœlentérazine et du gaz carbonique. L'aequorine est donc formée d'une apoprotéine liant la luciférine. La présence de calcium lui permet de jouer son deuxième rôle, celui de luciférase. Tous les constituants sont regroupés en une seule molécule : on appelle ceci un système "préchargé" (fig. 1.8).