2. Structures des organes lumineux

L'étude histologique des organes lumineux révèle une extraordinaire variété. À partir de structures d'organisation relativement simple, se diversifient des organes de complexité croissante par l'acquisition de dispositifs tels que : lentille, condenseur, filtre coloré, réflecteur, écran pigmentaire... Si la combinaison de ces dispositifs est la base de la variété des systèmes, on peut toutefois ne leur accorder qu'un intérêt secondaire, puisqu'ils n'interviennent qu'une fois la lumière produite. C'est donc à la production de lumière qu'il faut s'intéresser afin de dégager les bases d'une classification des organes lumineux encore appelés photophores. Ainsi un premier type comporte des cellules glandulaires, spécialisées dans l'élaboration des produits nécessaires à la luminescence, leur stockage et éventuellement le contrôle de leur réaction. Parmi les organes lumineux, certains sécrètent un mucus lumineux dans le milieu extérieur ; à cette luminescence extra glandulaire s'oppose la luminescence intra-glandulaire voire intracellulaire. Un second type regroupe des organes hétérogènes qui hébergent une importante population de bactéries symbiotiques, responsable de la luminescence.

2.1. Cellules glandulaires

2.1.1. Luminescence extra glandulaire

Chez les animaux dont la luminescence est extra glandulaire, les glandes productrices de substances lumineuses peuvent être de structure unicellulaire ou pluricellulaire et sont généralement localisées dans des régions bien circonscrites. Elles renferment parfois deux types de cellules qui produisent différents granules de sécrétion concernés dans la production de lumière. Dans ce cas, il n'existe pas de dispositif dioptrique, l'émission de substance lumineuse se faisant dans le milieu environnant.

Dans le cas du némerte Emplectonema kandai, les photocytes qui sécrètent le mucus sont distribués sur toute la surface de l'animal.

Par contre, le lamellibranche Pholas dactylus (fig. 2.1) a cinq régions lumineuses, qui se disposent en une bande étroite sur le bord antérieur du manteau, deux taches triangulaires près des muscles rétracteurs et deux cordons longitudinaux à l'intérieur du siphon inhalant. Ces régions sont composées par deux catégories bien distinctes de cellules glandulaires, richement innervées, débouchant par de longs collets entre les cellules ciliées de l'épithélium de revêtement. Lorsque l'animal est perturbé, les produits de sécrétion accumulés dans les cellules glandulaires sont émis dans la cavité du siphon, puis mélangés, en présence d'eau, par les battements ciliaires et forment alors le mucus lumineux.

De même Heteroteuthis dispar, un céphalopode myopside de la Méditerranée, émet un nuage lumineux quand il est perturbé, comparable à la décharge d'encre d'autres céphalopodes. L'organe lumineux est une grosse glande partiellement recouverte par la poche d'encre. Il contient un réservoir qui s'ouvre dans la cavité du manteau par deux orifices. La glande est tapissée de petites cellules épithéliales et munie de muscles pour l'expulsion du mucus lumineux.

Il existe également des exemples chez les nudibranches, avec notamment Phyllirrhoe bucephala (fig. 2.2). Cette espèce pélagique produit de la lumière à partir de points scintillants répartis sur toute la surface du corps. À chaque point est associé une seule ou plusieurs cellules glandulaires logées dans l'épiderme. Ces cellules sont de taille relativement élevée et contiennent d'importants granules d'exocytose. Une fibre nerveuse parvient à chaque cellule glandulaire et forme un renflement sur le côté de la cellule. Ce renflement est en fait une forme spécialisée de jonction neuro-effectrice dans laquelle les vésicules synaptiques, régulièrement espacées, se retrouvent à la limite du cytoplasme de la cellule glandulaire.

Des glandes mixtes très comparables aux précédentes, qui donnent également lieu à une luminescence extra glandulaire, existent notamment chez des annélides. Par exemple Chaetopterus variopedatus - annélide polychète tubicole - (fig. 2.3) libère son mucus à partir d'aires bien définies, principalement au niveau d'un notopode. Dans cette région, les cellules sécrétrices contiennent des granules éosinophiles en grande densité, susceptibles de produire de la lumière (fig. 2.4).

Certains Cirratulides et Térébellides sécrètent le mucus par leurs segments, mais aussi par leurs tentacules. Les tentacules de Polycirrus sont parsemés de cellules sécrétrices contenant des granules éosinophiles, lesquels sont libérés à l'extérieur. La production de lumière chez Odontosyllis survient pendant le frai. La sécrétion lumineuse provient de glandes situées à la base des parapodes.

Chez les crustacés, l'exemple de l'ostracode Cypridina est le plus étudié. Les cellules sécrétrices de cet animal sont localisées dans deux glandes lumineuses distinctes situées sur la partie supérieure de la bouche. Ces cellules glandulaires sont arrangées en groupe et libèrent leur contenu par des pores placés sur cinq protubérances. À chacun de ces pores est associé un sphincter ainsi que des fibres musculaires. Ces fibres s'insèrent d'une part sur la partie dorsale de la carapace et d'autre part sur l'œsophage ; leur contraction comprime la glande expulsant ainsi son contenu. Chaque glande contient un type d'inclusion : soit des granules jaunes de luciférine, soit des petits granules incolores de luciférase, tous deux se dissolvant lors de leur expulsion dans l'eau de la mer. Il existe de plus des cellules qui sécrètent un mucus dont le rôle est d'agglutiner les sécrétions lumineuses.

Certains copépodes tels que Metridia, Oncaea et Corycaeus produisent des sécrétions luminescentes à partir de cellules groupées sur la tête, le dos et la queue, et dans quelques cas sur les pattes.

Un système particulier existe chez le malacostracé Gnathophausia. Cet animal expulse une sécrétion lumineuse par des glandes situées près de sa bouche. Ces glandes forment un réservoir dans lequel des cellules déversent leur contenu et un canal s'ouvrant à l'extérieur par une papille.

Chez la crevette Acanthephyra, l'évacuation du nuage lumineux se fait par la chambre branchiale.

La luminescence extra glandulaire est rare chez les poissons. Les Searsides présentent cependant un type d'organe luminescent. En arrière de la région céphalique de ces poissons, et dorsalement, se trouvent deux sacs pigmentés de noir qui s'ouvrent à l'extérieur par un étroit canal. À l'intérieur de chaque sac, des filaments de tissu conjonctif portent des petites cellules, probablement à l'origine des plus grandes qui emplissent la cavité du sac. Il semblerait que les plus grandes de ces cellules, éjectées dans la mer, produiraient des étincelles lumineuses bleu-vert après rupture. De plus, on a observé chez le Lophiiforme, Linophryne arcturi, l'existence de mucus luminescent sur les dents, dont l'origine reste énigmatique.

2.1.2. Luminescence intraglandulaire

2.1.2.1 Photocytes

Dans certains cas les produits ne sont pas déversés dans le milieu, la réaction luminescente a lieu dans des cellules spécialisées, les photocytes.

Chez les espèces luminescentes de Cténophores, la lumière est produite par des structures glandulaires en liaison avec les huit canaux radiaires. Par exemple, Pleurobrachia pileus (fig. 2.5) présente des raies de lueur verte lorsqu'elle est soumise à une stimulation. Les photocytes sont des éléments granulaires insérés dans l'ectoderme des canaux gastro-vasculaires.

On retrouve une telle organisation chez les Annélides Polynoïnées qui portent sur le dos une double rangée de boucliers plats, appelés "élytres" (fig. 2.6). Dans ces "élytres" les zones lumineuses ne comprennent qu'un type cellulaire, à l'exclusion de tout tissu à rôle dioptrique. Les photocytes sont des cellules épidermiques modifiées. Plus grands que les cellules banales du tégument, ils contiennent de vingt à trente grains acidophiles, nommés photosomes, d'une prodigieuse ultrastructure paracristalline dite "en cotte de maille". Le motif est réalisé par des microtubules ondulés, de 20 nanomètres de diamètre, forme

Cette architecture particulière réalise un formidable développement des surfaces membranaires et le motif courbe, que tissent les tubules des photosomes, permet sans doute de juxtaposer un grand nombre de chambres de réactions. De plus, les photocytes reçoivent des efférences en provenance d'un ganglion central, situé dans "l'élytre".

Les Echinodermes présentent également une luminescence intra-photocytaire, notamment chez plusieurs Ophiures telles que Amphiura, Ophiopsila et Ophiothrix. La lumière apparaît dans les bras ou occasionnellement sur le corps. Les structures responsables de la luminescence sont des glandes unicellulaires s'ouvrant à l'extérieur par un long canal. Néanmoins l'émission de lumière ne se fait pas dans le milieu extérieur mais bien dans les photocytes.

Chaque individu d'une colonie de Pyrosoma (Urocordé) peut produire de la lumière (fig. 2.8). Celle-ci provient de deux groupes de cellules placés à l'entrée de la cavité branchiale dans les sinus sanguins péripharyngiens. Ces cellules contiennent des prolongements cytoplasmiques dans lesquels se produit la réaction chimique. Chez cette espèce, on peut observer des phénomènes de luminescence lors de la segmentation et lors des premiers stades embryonnaires. Lors du développement de l'embryon, les photocytes migrent en direction du disque germinal et vers la fin du développement, ils entreront dans la circulation pour aller se placer dans leur situation définitive.

2.1.2.2 Photophores

A cette luminescence intracellulaire s'associent des structures dont le rôle est de modifier l'émission lumineuse. Les photophores se présentent alors comme des organes hautement différenciés possédant des écrans, des lentilles et des réflecteurs, associés à un groupe de photocytes.

Les photophores d'Euphausiacés sont glandulaires mais à l'opposé des exemples précédents, le développement des structures dioptriques y est considérable. Par exemple chez Meganyctiphanes norvegica (fig. 2.9), une coque rouge sphérique délimite les photophores et joue le rôle d'un réflecteur.

Elle abrite des cellules glandulaires de deux types disposées radialement. La partie centrale est occupée par un dôme constitué de faisceaux de baguettes creuses qui jouent sans doute le rôle de tube conducteur de lumière (ou guide d'onde). Ce dôme chapeaute une grande lentille, ou cristallin, aux contours bien définis, rigoureusement symétriques par rapport à l'axe optique. La courbure de cette lentille est modifiée par la construction de l'anneau lamellaire qui l'entoure. À l'opposé, des cellules glandulaires forment un ménisque divergent qui obture le photophore. Celui-ci reçoit une importante innervation et baigne dans un sinus sanguin délimité par le tégument, localement transparent et bombé comme une cornée.

Les Céphalopodes présentent une importante variété de photophores. Ils varient d'un simple organe lumineux résultant d'une invagination de l'épiderme à des structures hautement différenciées, distinctes de l'épiderme. Chez les Cranchiidés, les photophores consistent en une masse de cellules photogènes accolées à un réflecteur et reposant à la surface du corps. Par exemple chez Leachia cyclura, les photophores oculaires sont des structures sphériques composées de nombreuses cellules glandulaires centrales, bordées par un réflecteur de tissu conjonctif. Des extensions de l'endoderme dans l'organe sont pourvues de chromatophores. Chez d'autres œgopsides comme les Enoploteuthides Watasenia et Abraliopsis (fig. 2.10), les photophores sont groupés sous les yeux, à l'extrémité des tentacules, d'autres plus petits sont dispersés sur la surface du corps.

Les photophores des tentacules sont formés par de gros photocytes contenus dans une gaine de tissu conjonctif et un écran de chromatophores (fig. 2.11 ). Les organes oculaires sont des structures planes soutenues par un élément de type lentille en tissu conjonctif et par une couche de baguettes radiales. Néanmoins, les petits organes en forme de perles et dispersés sur le corps présentent une plus haute organisation. Ils contiennent lm réflecteur complexe composé de deux structures lamellaires et une lentille externe accrochée dans un support fibreux. Chez Lycoteuthis et Calliteuthis (fig. 2.12), ce type de photophore est complété, au niveau de la surface d'émission de lumière, par une bordure externe colorée ou par lm écran de chromatophores. Dans certains de ces organes peuvent se trouver des fibres nerveuses qui traversent la lame pigmentée du photophore et se ramifient en direction des photocytes.

Les photophores des crevettes Caridés sont répartis sur les appendices ainsi que sur le thorax et l'abdomen et disposés de manière à ce que la lumière émise soit dirigée vers le bas. Leur organisation est relativement simple chez Systellaspis debilis, chez qui certains photophores de forme allongée contiennent une lentille cylindrique formée par un amincissement de la cuticule et une assise de photocytes. D'autres organes ont une forme sphérique et font saillie à l'extérieur, limités par la cuticule qui joue le rôle d'une lentille concavo-convexe. Au-dessous de cette cuticule, se situe une couche de grands photocytes cylindriques insérés dans une matrice fibreuse et cellulaire. Dans le cas de Sergestes prehensilis, la lentille cuticulaire est biconvexe et constituée de deux éléments distincts. Sous cette lentille se trouve le tissu photogène limité par un "miroir" et un écran pigmenté. Un nerf pénètre dans le photophore et ses fibres innervent les photocytes. À ces photophores superficiels, s'ajoutent des tubes de Malpighi, modifiés et lumineux : les organes de Pesta. La lumière émise par ces structures brille à travers la paroi de l'animal.

Les insectes révèlent aussi un dispositif similaire notamment dans l'ordre des Coléoptères. Chez Phengodes, les cellules lumineuses, géantes et sphériques, sont groupées en amas mais isolées les unes des autres. Elles ne reçoivent pas d'innervation. Leur cytoplasme contient deux types d'inclusions dont une, fluorescente, est la luciférine. Les photocytes de Diplocladon ont les mêmes particularités cytologiques, mais ils sont jointifs et forment ainsi une bande de tissu lumineux. Chez les vers luisants, des trachées pénètrent dans cette bande ce qui forme un parenchyme épais. L'organisation des photophores des lucioles est très rigoureuse : des photocytes allongés sont disposés en rosette autour des troncs trachéens, régulièrement espacés. De plus des cellules trachéennes terminales coiffent les deux extrémités de chaque photocyte et sont le point d'aboutissement des ramifications des nerfs et des trachées. Les organes lumineux des diptères diffèrent radicalement de ceux des coléoptères. Chez Platyura, d'énormes cellules élaborent un composant de la bioluminescence suivant un original procédé cytologique: le bourgeonnement d'un feuillet des membranes mitochondriales.

De nombreux exemples de ce type de photophore existent chez les poissons. C'est notamment le cas du sélacien Spinax niger (fig. 2.13 ). Cet animal, qui se trouve à des profondeurs de 300 à 3000 mètres, présente un rougeoiement en différents endroits de son épiderme. Chaque photophore comporte un groupe de six à huit photocytes qui convergent vers une partie centrale contenant les sécrétions du matériau lumineux (fig. 2.14 ). Dista1ement quelques grandes cellules forment une lentille. L'organe est enveloppé par une couche de chromatophores qui s'intercalent entre les photocytes et la lentille pour former un diaphragme à la manière d'un iris.

Presque toutes les trois cents espèces de poissons stomiatidés présentent quatre rangs de grands organes lumineux, deux de chaque côté de la face ventrale. Les photophores sont délimités par un réflecteur doublé extérieurement d'une couche pigmentée opaque. Les cellules lumineuses, groupées en massifs distincts, appartiennent à deux types. Une lentille, sertie par un anneau lamellaire, coiffe distalement l'organe. On trouve les organes lumineux les plus grands chez les Stomiiformes prédateurs comme les Astronesthidés, les Mélanostomiatidés, les Stomiatoïdes, les Chauliontotidés et les Malacostéidés (fig. 2.15 et 2.16). En dessous ou en arrière de chaque œil, se situe un grand photophore jugal possédant son propre muscle, dont la fonction consiste à tirer la face lumineuse vers le bas et hors de vue. Les poissons appartenant aux trois premières familles énumérées portent en outre un barbillon qui peut revêtir une grande complexité chez certains Mélanostomiatidés (fig. 2.17). À l'extrémité, ou le long d'autres parties de ce barbillon, se trouvent des plaques de tissu luminescent. Les Chauliodus, dépourvus de barbillon, ont le second rayon de leur nageoire dorsale particulièrement allongé et qui se termine par un tissu lumineux. Ce rayon peut se balancer en avant, de telle sorte que le bout lumineux pende devant la gueule. Enfin, la majorité de ces poissons présentent de petits photophores orbitaires, un ou davantage à chaque œil. Ces organes sont placés de manière à luire directement dans les yeux.

Bien qu'il y ait plus de deux cents poissons-lanternes (Myctophidae), chaque espèce porte sur les flancs une disposition particulière d'organes lumineux (fig. 2.18). Parmi les espèces étroitement apparentées, la différence dans la position de ces organes peut être subtile. Chacun de ces photophores aune couche réflectrice argentée située au dos de l'organe. La lentille de chaque photophore est formée par un renflement de l'écaille qui la recouvre, et non par un amas de cellules hyalines comme les principaux photophores de corps des Poissons Stomiatidés. Les photophores des poissons-lanternes diffèrent aussi de ceux des Stomiatidés en ce qu'ils ne contiennent qu'un amas relativement réduit de cellules lumineuses. A côté de ces photophores en perles, certains poissons-lanternes, en particulier ceux qui appartiennent au genre Diaphus, ont sur le museau des plaques de tissu luminescent. Certaines espèces portent aussi des photophores en plaque le long des surfaces dorsale et ventrale de la queue, plaques pouvant être disposées différemment suivant le sexe. D'ordinaire, le mâle a ces plaques à l'extrémité de la queue, tandis que chez la femelle elles en longent le dessous.

Dans les profondeurs aphotiques, vivent une centaine d'espèces de poissons pêcheurs. Toutes, sauf deux Neoceratias spinifer et Caulophryne jordani, portent un organe lumineux, mais réservé aux femelles. Ce photophore pend au bout d'un rayon modifié de la nageoire dorsale, l'illicium, qui s'articule à un os basal situé sur le devant de la tête. Deux paires de muscles, reliés à l'illicium, s'insèrent sur l'os basal. Une paire abaisse l'illicium, de façon à ce que l'organe lumineux se balance devant la gueule, l'autre paire tire l'illicium en arrière.

La structure fine de l'organe lumineux a été étudiée chez deux espèces, le Dolopichthys niger et le Gigantactis vanhoeffeni (fig. 2.19). Derrière une glande lumineuse en forme de globe, une couche de cellules fuselées constitue un réflecteur. De l'autre côté du réflecteur se trouve un épais revêtement de cellules à pigment noir. Les cellules glandulaires libèrent leur sécrétion granuleuse dans la cavité centrale, qui s'ouvre par un canal sur une petite chambre située en avant du bulbe. Cette chambre, couverte par une peau transparente, s'ouvre à l'extérieur par un pore central.

L'étude comparée des photophores de Stomiatoïdes révèle une large variabi1ité. Les organes lumineux de Gonostoma, par exemple, n'ont qu'une catégorie de cellules glandulaires, dont le produit de sécrétion se déverse par un canal dans le milieu extérieur (fig. 2.20). Dans d'autres genres, le canal est obturé puis disparaît, comme chez Stomias (fig. 2.21).

Ces cellules deviennent sécrétrices et présentent les détails de cette spécialisation qui accompagne le passage de la modalité extraglandu1aire à la modalité intraglandulaire de la bioluminescence. Chez le Batrachioididae Porichthys, une étude embryologique a porté sur le développement des photophores à partir de bourgeons épithéliaux qui s'invaginent de l'épiderme dans le tissu conjonctif sous-jacent. Les cellules des bourgeons s'agrandissent, se séparent de l'épithélium et se différencient en une couche photogène proximale et une lentille distale. Une couche de tissu conjonctif dense s'intègre à l'intérieur de la structure et forme un réflecteur auquel s'ajoute un écran pigmenté.

2.2. Luminescence par bactéries symbiotiques

Il existe différentes espèces de bactéries bioluminescentes. Certaines, non-symbiotes peuvent être libres ou saprophytes. D'autres, non-symbiotes spécifiques sont soit commensales comme tous les Photobacterium et Vibrio qui se développent sur le tube digestif de poissons marins et d'invertébrés ; ou sur la surface externe d'animaux marins; soit parasites de crustacés marins, comme P. fischeri, P. phosphoreum, V. harvey, ou d'animaux terrestres et d'eau douce comme, Xenorhabdus luminescens. Il existe également des bactéries bioluminescentes symbiotes spécifiques; c'est le cas de Xenorhabdus luminescens qui peut se développer en symbiose avec un nématode, parasite d'une chenille. D'autres sont localisées dans des organes lumineux symbiotes. Ceux des poissons pécheurs contiennent les espèces P. fischeri, P. phosphoreum, P. leiognathi, celui des calmars Euprymna scalopes contient une lignée spécifique de la bactérie P. fischeri ; présente parmi d'autres dans l'eau environnante. Certains calmars posséderaient des organes lumineux endosymbiotes. Dans tous les cas, on peut dégager une structure commune. Les bactéries prolifèrent, en culture pure, dans des tubes glandulaires qui sécrètent le milieu de culture des symbiotes. Une abondante irrigation assure l'oxygénation. Les tubes sont enclos dans une coque constituée d'un réflecteur à cristaux de guanine et d'une couche pigmentaire.

La bactérie Xenorhabdus luminescens, dans le cas de sa symbiose avec un parasite de chenille, se développe dans le tube digestif de son hôte. Le jeune nématode est absorbé par une chenille ; il va percer la paroi du tube digestif, l'hémolymphe est alors envahie par les bactéries qui sont pathogènes pour la chenille. Ce cycle du nématode se poursuit et les bactéries luminescentes sont incorporées dans la nouvelle génération. Par contre, chez certains Céphalopodes et Téléostéens, les bactéries sont logées dans des organes spécifiques d'où elles émettent une lumière continue.

Tout d'abord, chez les Céphalopodes Loligo, Sepiola, Rondelitia et Euprymna, la lumière est produite dans des glandes situées dans la cavité du manteau, à proximité du sac d'encre. Il apparaît néanmoins que tous les individus, même de sexe identique, ne produisent pas tous de la lumière. Par exemple, seule la moitié des individus de Sepiola pondeletii examinés avait cette faculté. Les organes responsables de la luminescence chez les céphalopodes sont des glandes accessoires spécialisées. Selon les espèces, ces glandes luminescentes sont soit présentes chez les individus des deux sexes, soit uniquement chez les femelles, et sont paires ou accolées en un organe médian.

L'organe lumineux de Sepiola consiste en sacs invaginés dans l'épithélium du manteau qui s'ouvrent dans la cavité par l'intermédiaire de deux papilles (fig. 2.22). Chaque organe est pourvu d'un réflecteur et d'une lentille, l'espace interne étant occupé par les bactéries photogènes. Les sécrétions de ces organes peuvent enduire les œufs mais les bactéries ne pénètrent pas à l'intérieur. La glande accessoire des embryons est vide et ne se remplira de bactéries symbiotes qu'après éclosion de œuf.

Beaucoup de poissons macroures sont pourvus d'un organe lumineux le long de la ligne médiane de la paroi abdominale. Cet organe possède une cavité interne, qui s'ouvre à proximité de l'anus. Chez toutes les espèces d'Hymenocephalus et chez certaines espèces de Coelorhynchus, l'organe lumineux revêt la forme d'un tube allongé, mais chez Malacocephalus, Nezumia et Ventrifisse, il est plus compact et piriforme (fig. 2.23).

Le photophore est doublé intérieurement de cellules glandulaires. Dans les replis de cette glande, d'autres cellules contiennent des capsules; celles-ci renferment des amas de bactéries lumineuses. Chez le Coelorhynchus, la lumière des bactéries est reflétée vers le bas par une couche de cellules tapissant la voûte de l'organe, et lorsqu'il est dévoilé, fait apparaître une ligne lumineuse le long de l'abdomen. Devant l'organe lumineux d'Hymenocephalus, il y a deux lentilles, une interne et l'autre externe, la dernière s'insérant dans la peau devant les nageoires pelviennes. Chez les trois autres genres, le photophore est doté d'une ou deux lentilles. La lentille, ou les lentilles externes, sont revêtues de peau contenant de nombreuses cellules à pigment noir; quand ces dernières se contractent, il y a émission, de lumière, à condition, bien entendu, que les bactéries soient actives.

Parmi les poissons lumineux littoraux; l'Anomalops kaptotron et le Photoblepharon palpebratus, poissons béryciphormes, se rencontrent dans les mers indonésiennes (fig. 2.24). Un troisième poisson lumineux de cette famille, Krytophanaron alfredi, habite la mer Caraïbe. Sous chaque œil, un grand organe lumineux ovale renferme une glande composée de nombreux tubes parallèles. Ces tubes, bien irrigués de sang, contiennent des bactéries lumineuses (fig. 2.25).

Chez d'autres Béryciformes, surnommés "poissons pomme-de-pin", il existe une paire d'organes lumineux sous la mâchoire inférieure ainsi que chez les Anomalopidae, des tubes glandulaires situés dans l'organe renferment des bactéries lumineuses. L'émission de lumière, que l'on peut constater en plein jour aussi bien que dans l'obscurité, parait commandée par les mouvements du revêtement de cellules pigmentaires noires.

Enfin certains poissons-cardinaux (Apogonidae) et Perches de mer argentées (Leiognathidae) sont lumineux. La glande lumineuse, qui contient encore des bactéries, est interne et munie d'un réflecteur. Les muscles voisins sont généralement translucides et jouent le rôle de lentille. Des rideaux de cellules à pigment noir semblent régler l'éclat des lumières. Une glande ouverte, contenant des bactéries luminescentes, se remarque également chez des poissons pêcheurs, et notamment chez Ceratias (Ceratide bathypelagique) dans l'escha, à l'extrémité du rayon antérieur de la nageoire dorsale (fig. 2.26).