3. Contrôle physiologique des émissions

La plupart des animaux bioluminescents semblent posséder des moyens de contrôler l'apparence de leur lumière. Quand celle-ci est continue, c'est souvent le signe d'une origine bactérienne. Mais même dans le cas d'une production bactérienne, certains animaux parviennent à certains degrés de contrôle. Les types de régulation de l'émission de lumière peuvent se classer selon les catégories suivantes :

- Dans un premier type, les photocytes, ou le réservoir de substance lumineuse, peuvent être évacués vers le milieu extérieur par la contraction de fibres musculaires adjacentes. Le contrôle est alors indirect et se réduit à un phénomène neuro-musculaire.

- Les photocytes peuvent aussi être eux-mêmes innervés, et déchargent alors leur contenu après excitation. Dans ce cas, le contrôle de la luminescence devient une régulation nerveuse de sécrétion glandulaire. Quand la luminescence est intracellulaire, l'excitation produit des changements cellulaires qui mènent à l'activation des matériaux photogènes.

- Pour le type le plus complexe, l'émission de lumière peut-être contrôlée par la rotation de l'organe lumineux sur lui-même ou par l'opposition d'écrans ou d'obturateurs.

3.1. Stimulation

Il est possible d'obtenir in vitro une réponse luminescente par différents stimuli. Ceci a bien souvent compliqué l'étude de la stimulation telle qu'elle se réalise in vivo chez les différentes espèces.

Chez l'Hydrozoaire Aequorea, les organes lumineux sont répartis sur toute la périphérie de l'ombrelle. Une stimulation ponctuelle induit une luminescence très localisée, sans affecter les régions éloignées. L'excitation des photocytes de cette méduse est donc soit directe, soit provoquée par des réflexes locaux. Une faible stimulation chez Pelagia (Scyphozaires) déclenche l'apparition locale d'un point lumineux, qui s'étale avec une stimulation plus importante, jusqu'à atteindre l'ensemble de l'ombrelle et des tentacules. Des stimulations mécaniques chez les Anthozoaires tels que Pennatula et Renilla provoquent, à partir du point, où se fait l'impact, une vague de luminescence qui se répand à travers la colonie .

Chez les Cténophores, les récepteurs tactiles impliqués dans la luminescence sont situés le long des palettes ciliées. Chez les espèces de Mnemiopsis vivant dans l'obscurité, une faible stimulation provoque une luminescence localisée sur une plaque d'une palette ciliée, alors qu'une stimulation de forte intensité entraîne une abondante luminescence généralisée sur l'ensemble du corps de l'animal.

Le némerte Emplectonema kandai s'illumine aussi totalement lorsqu'il est fortement stimulé. Une stimulation tactile locale produit une luminescence plutôt réduite, mais en étirant l'animal, la lumière s'étend sur tout son corps.

Chez les Polychètes Chaetopterus, la réponse à une stimulation tactile est extrêmement localisée et lorsqu'un segment est spécifiquement sollicité, la lumière n'apparaît que dans cette région. Par exemple, un contact avec un segment de la partie postérieure provoque l'apparition de lumière dans les parapodes du segment concerné, et une stimulation mécanique luminescente, par une paire de grosses glandes photogènes.

Les Annélides Polynoïnés ont le dos recouvert d'une double rangée "d'élites". Lorsqu'un animal est perturbé, un influx nerveux se propage tout au long de sa chaîne nerveuse puis est distribué aux "élytres". Si l'excitation est très forte, "l'élytre" se détache mais un relais est pris dans un petit ganglion nerveux propre à chaque "élytre" (fig. 2.8). Il n'y a pas de contact nerveux individuel, direct entre les cellules pathogènes et les cellules nerveuses. Le passage se fait probablement par les quelques cellules épithéliales qui bordent le ganglion et y insèrent des digitations. Le signal d'excitabilité se propage dans tout l'épithélium. Ce sont en fait des jonctions spécialisées entre les cellules, dites jonctions communicantes ou "gap junctions" qui assurent le passage du signal à travers l'épithélium. Dans ce cas, comme dans bien d'autres exemples de cellules excitables, l'onde d'excitation est déterminée par un influx d'ions calcium. L'information doit alors parvenir jusqu'aux organites cellulaires responsables de la bioluminescence: les photosomes.

Lors des premiers éclairs, parmi les quelque trente photosomes d'une même cellule lumineuse, certains seulement font un éclair, les autres restent muets. Coup après coup, le nombre des photosomes actifs augmente comme par contagion. Si l"on arrête la stimulation répétitive pendant un temps de repos, on constate à la reprise que les photosomes se sont découplés dans l'ordre inverse où ils avaient été recrutés. A la reprise de la stimulation la nouvelle séquence d'éclairs recommence une période de facilitation. L'état couplé, réactif, des photosomes a donc de singulières propriétés. Il est d'abord labile, et son temps de vie . est de l'ordre de la seconde. Il est aussi renforçable et se consolide comme une mémoire sous les stimulations répétées. Enfin, il est propageable et prépare ainsi une réponse progressivement amplifiée à la stimulation suivante, qu'elle ait lieu ou non.

Le plus remarquable est la présence de jonctions entre la membrane de la cellule photogène et le photosome actif, jonctions nommées des "dyades'"; de longues lames du réticulum endoplasmique s'accolent à la membrane plasmique. Dans les cellules photogènes au repos, il n'y a pratiquement pas de jonction dyades. Elles n'apparaissent qu'avec les premiers éclairs, augmentent progressivement en nombre et en étendue et se différencient dès que la stimulation rythmique est interrompue. Leur formation révèle des poussées de croissance membranaire extraordinairement rapides. L'existence de tels rapports spécialisés évoque la possibilité de transfert d'une information de la membrane cellulaire vers les membranes constitutives des photosomes. Cette morphologie particulière rappelle le système de couplage réalisé dans le muscle strié. Dans le muscle, il y a couplage entre une excitation et une contraction. Dans la cellule photogène, les jonctions dyades réalisent un couplage entre une excitation et une luminescence. Ainsi chaque photosome a un degré de liberté qui lui permet soit de se brancher sur le circuit d'excitation, soit de rester inactif. De ce simple jeu optionnel découle une conséquence fondamentale puisque c'est grâce à lui que les réponses à une stimulation peuvent moduler leur intensité et donc leur efficacité. Chaque réponse prépare en quelque sorte la suivante, qu'elle ait lieu ou non, en recrutant davantage d'unités d'activité.

Le système luminescent de l'Euphausiacé Meganyctiphanes est photosensible. Les flashes émis par ces animaux durent relativement longtemps, jusqu'à plusieurs secondes. Si Meganyctiphanes est stimulé par un bref éclair, il y répond par une lueur qui persiste plusieurs secondes. Une seconde stimulation lumineuse, émise pendant la réponse lumineuse de l'animal affaiblit cette dernière qui revient ensuite à son intensité initiale. Un stimulus lumineux continu, de mêmes couleur et intensité que la luminescence de l'animal, diminue la réponse.

Chez l'Urocordé Pyrosoma, différentes stimulations mécaniques, telles qu'un toucher, un courant d'eau, provoquent l"apparition de lumière. Si le stimulus est localisé, la lumière survient d'abord dans une région réduite, et s'étend ensuite à l'ensemble de la colonie. La lumière d'une autre colonie ou d'une source quelconque, peut aussi entraîner la luminescence de la colonie. Dans ce cas, l'excitation naturelle semble être photonique ou mécanique.

Certains poissons porteurs de photophores peuvent aussi luire en réponse à de telles stimulations. A la suite d'un stimulus tactile, une lumière apparaît dans les photophores de Myctophurn (poisson lanterne myctophiforme), de Maurolicus (poisson lanterne stomiiforme) et dans l"illicium du poisson pêcheur Cryptosparas. A la suite d'une faible perception de lumière, Myctophurn peut émettre quelques flashes.

Température :

La température peut modifier la sensibilité d'un organisme à une stimulation. Ainsi, une étude menée sur le Cténophore Mnerniopsis a montré une adaptation à l'abaissement de la température. Lorsque l'animal est refroidi de 20 °C à 9 °C, aucune réponse lumineuse n'est inductible, mais si la température est d'abord amenée à 3°C puis rehaussée à 7°C, un stimulus est suivi d'une luminescence. De plus, des animaux maintenus suffisamment longtemps à 3°C, parviennent à émettre normalement de la lumière. Chez la plupart des métazoaires luminescents, un réchauffement au-delà de 36°C agit comme un stimulus de la luminescence.

3.2. Influence d'un éclairement

Chez beaucoup d'animaux, la luminescence n'est pas modifiée par une exposition préalable à la lumière. D'autres font exception, notamment l'Anthozoaire Renilla, ainsi que différents Cténophores pour lesquels la lumière inhibe la luminescence, alors que l'obscurité la stimule. Lorsque Renilla est déplacé de la lumière vers un endroit sombre, il perd dans un premier temps sa capacité à émettre de la lumière, mais après une demi-heure, il reprend cette potentialité. De plus, la bioluminescence des animaux adaptés à l'obscurité peut être diminuée par un faible rayon lumineux. En éclairant des petites surfaces de ces animaux, leur luminescence est inhibée uniquement dans les régions visées. Dans cette situation, la propagation d'une onde excitatrice n'est pas affectée, et la lumière n'a pas une influence directe sur les structures photogènes. Par conséquent, il semble qu'un éclairement bloque d"une certaine manière l'excitabilité au niveau des photocytes

Des spécimens de Cténophores Bolina et Beroë exposés à la lumière perdent leur capacité à luire, mais celle-ci revient après 15 à 30 minutes passées à l"obscurité. L'inhibition par la lumière se réalise par deux mécanismes, d'une part, directement sur les produits photogènes et d'autre part, par l'intermédiaire du réseau nerveux. Un extrait de matière luminescente prélevée sur des animaux préalablement exposés à la lumière, ne donne pas de lumière. De plus, un extrait luminescent, peut être inactivé par une exposition à la lumière, de durée et d'intensité convenables.

Bien que des extraits de Mnerniopsis perdent leur pouvoir luminescent lorsqu'ils sont exposés à une lumière violente, le temps nécessaire d'exposition est largement supérieur à celui requis pour obtenir le même résultat avec un animal vivant.

Cette inhibition par la lumière, après une série d'expériences quantitatives, a pu être modélisée. Il en résulte une étrange similitude avec la loi de Bunsen-Roscoe, dans laquelle le produit du temps d'exposition et de l'intensité de l'éclairement est égal à une constante d'éclairement K, exprimée en mètre-candle (analogue du Lux). Des valeurs de cette constante ont été calculées pour différents Cténophores: Beroë ovata K= 57 285 , Mnerniopsis K= 4 776 , Cestum veneris K= 1 165 (fig. 3.1). Cette quantité totale de lumière que reçoit l'animal est le facteur opérant, qui ensuite, peut produire un effet photochimique. Lorsque seule la moitié du corps de Mnerniopsis est éclairée, la luminescence est supprimée dans cette région. Dans ce système, des fibres nerveuses relient les photorécepteurs aux photocytes, ces innervations se faisant dans un faible périmètre. Une excitation, transmise par ces fibres nerveuses, entraîne la destruction des matériaux photo gènes. Une stimulation mécanique d'un animal préalablement éclairé, hâte la réapparition de sa luminescence; cela est interprété comme favorisant le recyclage d'un produit de décomposition des matériaux photogènes.

Certains animaux présentent un rythme nycthéméral de leur bioluminescence. Ainsi chez le scyphozoaire Pelagia noctiluca, une stimulation tactile pendant le jour reste sans effet, alors que lorsque la luminosité s'affaiblit, sa capacité à luire renaît. Chez cet animal aussi, on a pu observer un comportement répondant à la loi de Bunsen-Roscoe.

Synchronisation

Lors des parades sexuelles, des Lucioles mâles de l'espèce Pteroptyx tener, émettent des flashes en synchronie. Des recherches menées sur cette Luciole ont montré que celle-ci intègre l'information lumineuse sur tout son champ visuel. L'intervalle , caractéristique des flashes émis par cette espèce est de 340 ms. Ainsi, les individus ne répondent pas à des éclairs de 680 ms d"intervalle délivrés séparément mais simultanément dans chaque œil. Cependant, si on lui présente ces mêmes flashes avec un intervalle de 340 ms entre les deux yeux, les individus perçoivent cet intervalle, et répondent aux flashes, toutefois ils ne peuvent distinguer plusieurs émetteurs distincts. Le mécanisme nerveux à l'origine de la synchronisation des signaux lumineux mettrait en jeu des neurones "pacemaker", qui stimulent rythmiquement l'organe lumineux. L'activité de ces neurones serait elle-même déclenchée par un stimulus lumineux extérieur.

On retrouve dans l'espèce Vargula graminicola de crustacés ostracodes, une synchronie comparable à celle des lucioles, lors des parades de cour. Les mâles regroupés en essaims émettent des impulsions lumineuses synchrones.

En général, il apparaît que dans les cas où la luminescence est sensible à un éclairement, l'altération de la réponse peut se produire de deux manières, soit par un effet photochimique direct sur les photocytes et leurs contenus en matériaux photogènes, soit directement en jouant sur un réseau nerveux. Les deux composants peuvent intervenir dans un même organisme; leur importance relative variant selon les espèces.

 

3.3. Contrôles nerveux

3.3.1. Direct

Chez certaines formes, les sécrétions glandulaires répandent dans l'eau une substance visqueuse luminescente. Parfois, le matériel luminescent est en suspension dans un mucus, comme chez Pelagia (Scyphozoaire) et Chaetopterus (Polychète). Chez cette annélide, la sécrétion lumineuse émise par les notopodes, est accompagnée d'un mucus et le tout est dispersé par des mouvements des soies. Dans ces exemples, la décharge des produits luminescents se fait par exocytose, comme dans n'importe quelle cellule glandulaire. Une excitation parvient aux cellules glandulaires et par une série de mécanismes intracellulaires, l'exocytose est déclenchée.

Chez les Cœlentérés luminescents l'excitation se transmet, en général, de proche en proche sur la surface de l'animal. Leur système nerveux forme un maillage, et la transmission d'un influx déclenchant la luminescence, montre des caractéristiques semblables à celles impliquées dans les mouvements musculaires. Chez Pelagia noctiluca, en réponse à une stimulation tactile, la luminescence apparaît sur l'ombrelle et sur la couronne de tentacules. Un léger contact avec la surface externe de l'ombrelle entraîne une émission de flashes au point de contact, puis la lumière s'étend, sans toutefois couvrir la totalité de l'ombrelle.

Chez divers Hydrozoaires, tel que Campanularia et chez des Pennatulacea (octocoralliaires), une stimulation locale donne naissance à une onde de luminescence. Dans le cas des Pennatulacea, la totalité de la colonie peut être luminescente, comme chez Cavernularia, ou seulement les polypes comme Pennatula et Reni/la. La luminescence est intracellulaire et apparaît en une onde de lumière qui se répand à partir du point de stimulation sur tout l'ensemble de la colonie.

La transmission de la réponse luminescente chez ces animaux, se réalise dans un réseau nerveux, et l'excitation peut se propager dans toutes les directions. Ainsi, une stimulation à la base de la colonie, produit des vagues de luminescence dirigées vers le haut., et vice-versa (fig. 3.2). Lorsque le centre de la colonie set touchée, les ondes de luminescence partent vers le haut et vers le bas. Deux excitations provoquées simultanément en haut et en bas de la colonie, donnent deux ondes qui s"annulent, en se rencontrant au milieu. Pour arrêter la propagation de la luminescence, il faut éliminer les connexions nerveuses entre les différents polypes.

Avec une stimulation électrique, il faut en général plusieurs décharges pour obtenir une réponse. Si la stimulation est continue, la réponse se compose d'une succession de flashes d'intensité croissante, jusqu'à un plateau (fig. 3.3 a,b). Cette augmentation d'intensité lumineuse résulte d'un phénomène de facilitation au niveau de la jonction neuro-photocytaire, ce qui permet le recrutement d'autres photocytes. Si la stimulation se prolonge, certains animaux peuvent passer à un état d'hyper-excitation, dans lequel ils continuent d'émettre des flashes alors que la stimulation a disparu (fig. 3.3 c ).

Chez les Cténophores, une stimulation électrique de l'ensemble d'une palette produit une série de flashes dont la fréquence varie de 5 à 12 secondes (fig. 3.3 d). Une stimulation appliquée sur la périphérie d"un pore digestif, provoque l'émission d'un seul éclair (fig. 3.3 e). Ces réponses locales ont les caractéristiques suivantes: l'intensité de la luminescence est proportionnelle au potentiel et à la durée de la stimulation (au-dessous d'un seuil); la période de latence est diminuée par l'augmentation de la force de la stimulation; des stimulations répétitives augmentent l'intensité de la réponse (phénomène de sommation); plusieurs stimulations à faible cadence, augmentent l'intensité des flashes (phénomène de facilitation) (fig. 3.3 f). -

Le même type d"expérience a été réalisé sur des Polychètes Polynoidae. Une seule stimulation électrique, appliquée sur une "élytre" prélevée sur Acholoë astericola, amène celle-ci à émettre une série de flashes répétitifs qui dure plus d"une minute (fig. 3.4). Cette série commence avec une fréquence de 5 flashs par secondes, puis le rythme se ralentit et se stabilise. Ces nombreux flashs émis sous l"impulsion d"une seule stimulation, sont induits par des décharges répétées du ganglion, de "l'élytre", et l'augmentation de l'intensité, dans la première phase de réponse, dépend d'un phénomène de facilitation.

On trouve des résultats analogues chez le Polychète Chaetopterus variopedatus, dont la luminescence est pourtant glandulaire. A la suite d'une stimulation électrique sur la partie nerveuse impliquée, l'intensité lumineuse produite, croît jusqu'à un maximum (10 secondes), la luminescence quant à elle persiste pendant 5 à 10 minutes (fig. 3.5). La variation d'intensité lumineuse est fonction de la quantité de produit sécrété. Cette sécrétion étant sous contrôle nerveux, des phénomènes de sommation en régulent la quantité.

Les nombreux photophores du Téléostéen Porichthys s'allument sous l'influence d'une impulsion électrique. La luminescence survient après une latence de 8 à 10 secondes, et atteint son maximum après 15 secondes puis disparaît progressivement. Chez cette espèce, et chez Echiostoma ctenobarba, une injection d'adrénaline entraîne aussi une luminescence.

Des études réalisées sur Lampanyctus, Cyclothone et Argyropelecus' ont mis en évidence que leurs photophores sont innervés par les nerfs trijumeau facial et spinal. Il semble alors que les fibres de type sympathique véhiculeraient le message de la luminescence dans les nerfs cités.

3.3.2. Indirect

Un contrôle nerveux indirect implique que la régulation des émissions ne se fasse pas directement sur la réaction productrice de lumière. Dans ce cas une régulation peut intervenir par l'intermédiaire de structures spécialisées qui agissent sur la lumière émise. Les exemples de contrôle indirect de la luminescence ont surtout fait l'objet d'études morphologiques, et rares sont les corrélations physiologiques. Les différents systèmes étudiés sont donc classés selon leurs similitudes d'organisation.

Dans un premier type, la régulation de la sécrétion est réalisée par un complexe neuro-musculaire. Par exemple chez Cypridina (Crustacés, Ostracode), la contraction de muscles expulsent des granules de luciférines et d'autres de luciférase, contenus dans différentes cellules. La réaction luminescente se fait dans l'eau au hasard des rencontres entre deux réactifs. Heteroteuthis, un Céphalopode Sepioidea, décharge son nuage lumineux à la manière dont d'autres formes le font avec leur encre.

Chez d'autres animaux, certains muscles régulent l'émission des photophores. Les téléostéens Anomalops et Photoblepharon, aux organes lumineux semblables, régulent leurs émissions luminescentes de deux façons. Chez Photoblepharon, un écran de tissu noir peut remonter sur l'organe lumineux qui abrite les bactéries symbiotiques. Alors que l'organe lumineux d'Anomalops est capable de pivoter sur lui-même.

Une troisième régulation est réalisée par un cache de chromatophores appliqué sur le photophore. De nombreuses études ont porté sur un céphalopode des côtes japonaises, Watasenia scintillans. Leurs grands photophores, portés par les longs tentacules, émettent de brefs éclairs dont la fréquence varie. La luminescence des autres photophores varie en intensité et peut durer 20 minutes. Une stimulation exogène produit une luminescence puissante et constante. La régulation des émissions se fait par l'intervention de chromatophores. Ces cellules qui recouvrent le photophore sont commandées par des fibres musculaires; ainsi la contraction ou la dilatation des chromatophores commande l'émission de lumière. Ce système se retrouve chez quelques Téléostéens comme Coelorhynchus et Hyrnenocephalus. Leurs organes lumineux sont situés sous l'épiderme. La lumière qu'ils émettent doit donc traverser différentes couches de cellules, et notamment quelques chromatophores.

Certains photophores décrits précédemment présentent une structure optique parfaitement similaire à celle d'un œil. A partir de cette observation, certains auteurs ont suggéré que ces structures interviendraient pour modifier l'angle de diffusion de la lumière. Les photophores du Céphalopode Abraliopsis contiennent des lentilles entourées par des anneaux de tissus, dont le rôle pourrait être de déformer la lentille.

3.4. Effet de l'environnement ionique sur les espèces marines

En général des solutions hypo-osmotique déclenchent les réactions de luminescence. Parmi les ions présents dans l'eau de mer, certains influencent le processus de luminescence. Le potassium avive le phénomène chez Pelagia, Cavernularia (Cnidaires), certains Cténophores, Chaetopterus (Annélide). Le sodium déclenche la réaction chez Chaetopterus, quelques Polynoidae et Ophiopsida (Echinoderme ). Le calcium associé au magnésium inhibent l'effet du sodium, mais pas celui du potassium. Chez les Polynoidae étudiés, le sodium stimule en premier lieu le système nerveux, puis les photocytes.