4. Interprétation du phénomène

L'étude du rôle précis des signaux lumineux se heurte à de nombreuses difficultés, surtout en milieu marin. La plupart des animaux peuplant les eaux profondes ne peuvent que rarement être observés vivants. Leur récolte nécessite des filets spéciaux, et les biologistes doivent travailler en mer, en espérant que les spécimens collectés survivront quelques heures, voire quelques minutes, après leur capture. Certaines observations peuvent maintenant être effectuées depuis des submersibles, mais les systèmes d'éclairage, nécessaires pour identifier l'animal, masquent la bioluminescence. Les espèces marines des eaux côtières superficielles peuvent plus aisément être étudiées en aquarium, dans l'obscurité, grâce à des systèmes vidéo équipés de photomultiplicateurs. Toutefois, la majorité des données disponibles concernent les quelques espèces luminescentes terrestres, telles que les lucioles,

Observations et expérimentations ont montré que la bioluminescence a des fonctions très variées: l'éclairement, la protection contre les prédateurs, les parades sexuelles ou le mimétisme.

4.1 Éclairage du champ visuel

L'une des fonctions évidentes d'un signal lumineux est d'éclairer. Dans ce cas, l'organisme émetteur est aussi celui qui reçoit l'information contenue dans la lumière réfléchie par les objets. Paradoxalement, il n'existe que peu d'exemples non équivoques d'un tel usage de la bioluminescence.

L'un d'eux est l'utilisation de "feux d'atterrissage" par les lucioles nocturnes Photuris (Coléoptères de la familles des Lampyridae) qui illuminent la feuille ou la brindille sur laquelle elles vont atterrir.

En milieu marin, les grands fonds sont plongés dans l'obscurité. D'après cette constatation est venue l'idée du rôle de la bioluminescence dans l'éclairement du champs , visuel. Afin d'étayer cette hypothèse, il a fallu étudier conjointement la vision et la bioluminescence des animaux des grands fonds.

La partie dévolue à la vision a été réalisée à partir d'un poisson bathypélagique hypothétique. Comme la cornée de l'œil d'un poisson a le même indice de réfraction que l'eau environnante, les rayons lumineux traversent la cornée sans être déviés. De plus l'angle de vision de chaque œil est donc l'angle solide dans lequel les rayons lumineux sont projetés sur la rétine, après réfraction sur le cristallin. Il résulte de ces deux caractéristiques qu'un large champs de vision résulte d'un bombement important du cristallin à travers la pupille. Ce qui est souvent le cas des poissons de grands fonds. La figure 4.1 schématise les champs visuels d'un poisson. En avant de celui-ci, la superposition des deux champs visuels forme un champs binoculaire. Dans cette zone l'acuité visuelle du poisson est donc la meilleure. L'étude de la bioluminescence consiste à observer quelle est la part de recouvrement des zones éclairées et du champs de vision. Tout d'abord la recherche s'est portée sur les photophores placés sur la tête, capables d'éclairer le champs de vision binoculaire. On trouve de tels organes juste en arrière des yeux chez les Stomiatoides et les Chauliodontidea. Ces photophores peuvent éclairer la partie antérieure du champs visuel, et les plus puissants d'entre eux éclairent le champs binoculaire.

Par contre, les photophores disposés le long du tronc n'éclairent que les champs latéraux. Ainsi, ceux des Melanostomiatidae, des Astromethidae, de Chauliodus et de Stomias, émettent une lumière dirigée vers l'extérieur et aussi vers le bas. Cette batterie de lumières éclaire le champs visuel en contact avec le tronc de l'animal. Sans plus de preuve, uniquement par la superposition du champs visuel et de la zone éclairée, on suppose que dans ces cas, la bioluminescence servirait au moins à l'éclairage de l'animal.

D'autres études ont porté sur la qualité de diffusion de la lumière dans un milieu aqueux. L'intensité de lumière, absorbée et diffusée par l'eau de mer, chute avec la profondeur selon une loi logarithmique, de sorte que la profondeur maximale à laquelle l'œil humain adapté à l'obscurité pourrait détecter la lumière du jour, se situe à environ 850 mètres. L'eau de mer absorbe particulièrement les longueurs d'ondes correspondant au rouge et à l'ultraviolet. Certaines espèces qui peuplent ces milieux obscurs s'éclairent au moyen de leur propre lumière. Dès 200 mètres de profondeur et au-delà, de nombreux poissons émettent une lumière bleue, qui correspond aux longueurs d'onde les mieux propagées dans l'eau de mer, et possèdent des pigments visuels sensibles à cette couleur.

La preuve du rôle d'une telle luminescence a pu être apportée par l'étude d'un poisson nocturne des eaux superficielles, le Photoblepharon qui vit dans les mers du sud. Ce poisson se nourrit du plancton qu'il illumine dans le faisceau de lumière bleue produite par d'énormes organes lumineux sous orbitaires. Maintenus en aquarium dans l'obscurité, ces poissons perdent quelquefois irréversiblement leur bioluminescence. Ils deviennent alors incapables de se nourrir, sauf si on leur fournit un niveau équivalent d'éclairage artificiel. Paradoxalement, puisqu'ils vivent dans un milieu obscur, ces animaux utilisent donc leur sens visuel pour se nourrir.

Quelques poissons d'eau très profonde (Malacosteus, Aristostomias et Pachystomias), qui vivent à plus de 500 mètres de profondeur dans les océans tempérés et tropicaux, émettent de plus une lumière rouge de très grande longueur d'onde (maximum à 708 nm), invisible pour l'œil humain accoutumé à l'obscurité. Ces poissons possèdent un deuxième type de pigment visuel, sensible au rouge. Bien qu'on ne connaisse pas le rôle exact de cette lumière de grande longueur d'onde, elle permet vraisemblablement au poisson d'éclairer les proies, sensibles uniquement au bleu, à leur insu, Les nombreux crustacés rouges qui peuplent les fonds océaniques seraient ainsi rendus extrêmement visibles, bien qu'ils soient efficacement camouflés contre leur repérage par une lumière bleue. Cependant, la lumière rouge est rapidement absorbée par l'eau de mer, et ce système ne peut être efficace que sur de courtes distances, d'environ quelques mètres.

4.2. Protection contre les prédateurs

En fait, la fonction principale de la bioluminescence en milieu marin ne semble pas être l'éclairement, mais la protection contre les prédateurs. En effet, d'après différentes études, la bioluminescence produirait un phénomène de surprise qui dérouterait le prédateur, ou à l'inverse, elle participerait au camouflage.

4.2.1. Par la surprise

Cette hypothèse a été testée dans le cas d'algues planctoniques, les Dinoflagellées. Ceux-ci sont la source habituelle de la luminescence visible en mer dans le sillage des bateaux. Ces petites algues constituent la nourriture de nombreux phytophages, dont les Crustacés planctoniques Copépodes. La nuit, les Dinoflagellées répondent à toute stimulation mécanique par un court éclair d'environ cent millisecondes. Or des expériences ont montré que dans un intervalle de temps donné, des Crustacés Copépodes maintenus en aquarium consomment moins de Dinoflagellés lumineux que de non lumineux. On obtient la même diminution du taux de consommation si l'on soumet les Copépodes à des flashes artificiels mimant ceux des Dinoflagellés. C'est donc bien la luminescence ( et non quelque toxine chimique émise par l'algue) qui perturbe le comportement du Copépode, et réduit son efficacité à se nourrir.

Chez les plus grands animaux, le rôle protecteur de la bioluminescence peut être de révéler voire d'exagérer la taille de l'animal qui la produit. De nombreux poissons possèdent en effet de minuscules organes lumineux, disposés sous les nageoires et le long des bords supérieurs et inférieurs du corps, qui illuminent leur silhouette. De même, les méduses Atolla et Periphylla, qui vivent dans tout l'océan à plus de 500 mètres de profondeur, répondent à l'attaque d'un prédateur par des ondes lumineuses successives qui se propagent sur l'ensemble du corps de l'animal.

En outre un signal luminescent peut jouer un rôle de diversion. Certains animaux marins sacrifient en effet un fragment de leur corps, qui continue à luire indépendamment. Les vers Annélides Polychètes Acholoe, par exemple portent sur le dos de grandes "élytres" qui se détachent s'ils sont attaqués. Les photosomes situés dans "l'élytre" s'illuminent alors répétitivement, pendant que l'ancien propriétaire rampe en lieu sûr.

D'autres espèces libèrent des nuages de sécrétions luminescentes qui produisent, dans l'obscurité, un effet comparable au jet d'encre libéré en plein jour par des Céphalopodes. Ainsi, les crevettes d'eaux profondes Oplophorus, Systellaspis ou Acanthephyra s'échappent avec un vif coup de queue, laissant jaillir un nuage soudain de substance luminescente, produit probablement par des glandes situées dans la bouche.

De même, les Céphalopodes des profondeurs, tels que Heteroteuthis dispar, émettent un nuage lumineux et non pas un nuage d'encre opaque comme leurs homologues de surface.

Néanmoins, le rôle de surprise joué par ce mucus lumineux ne peut pas être retenu pour toutes les espèces qui présentent une luminescence extra-glandulaire. En effet, si cet argument est pertinent chez les espèces qui manifestent en même temps un comportement de fuite, il l'est moins dans le cas de Phyllirrhoe bucephala (Nudibranche).

La défense lumineuse peut faire intervenir des comportement plus élaborés. Des observations de nuit ont permis de décrire le comportement de défense du poisson nocturne Photoblepharon. L'organe lumineux de ce poisson fonctionne en permanence, mais il est masqué rythmiquement par une "paupière" noire, Lorsque le poisson est menacé par un prédateur ( un barracuda, par exemple ), il découvre son organe en nageant en ligne droite, puis il le masque et s'écarte soudainement de sa direction avant de clignoter de nouveau. Ce manège semble perturber la capacité du prédateur à prédire la position de sa proie.

4.2.2. Par le camouflage

Si la bioluminescence peut leurrer efficacement les prédateurs, elle permet aussi, paradoxalement, à certains animaux de se dissimuler. Pour se camoufler contre les prédateurs qui les observent d'en haut, sur le fond noir des profondeurs océaniques, de nombreux animaux peuplant les zones épi et mésopélagiques de l'océan (entre 0 et 1000 mètres de profondeur) ont la face supérieure du corps assombrie. A l'inverse, un prédateur situé en dessous de sa proie peut l'apercevoir si sa silhouette sombre se découpe sur la lumière en provenance de la surface. Ainsi, à une profondeur de 750 mètres, un objet noir de la taille d'un mouche serait visible à un mètre par l'œil humain. Pour diminuer les risques, la proie peut réduire la dimension de sa silhouette par un aplatissement vertical du corps. Mais la seule solution totalement efficace pour l'animal est d'illuminer sa face ventrale, afin de se fondre dans la lumière du jour en arrière-plan. Au-delà de 300 mètres de profondeur, de nombreuses espèces utilisent un tel camouflage par contre-éclairage, la luminosité en provenance de la surface devenant suffisamment faible pour être égalée par la bioluminescence.

La plupart des grands animaux marins mésopélagiques possèdent ainsi de larges photophores ventraux dirigés vers le bas. Leur distribution selon les espèces conforte l'hypothèse du camouflage. les photophores ventraux des espèces mésopélagiques les moins profondes, tels que le poisson Argyropelecus qui vit entre 300 et 600 mètres de profondeur, sont plus développés et couvrent une plus grande surface que ceux des espèces plus profondes, chez lesquelles ils sont réduits ou absents (fig. 4.2).

Pour assurer un camouflage efficace, la lumière produite par les photophores doit s'ajuster le plus étroitement possible à la lumière environnante. Si l'animal ne peut émettre qu'une intensité lumineuse fixe, il est assujetti à un niveau de lumière ambiante, ou isolume donné. Mais les isolurnes se déplacent très vite, en particulier à l'aube et u crépuscule, ou l'intensité lumineuse peut varier d'un facteur un million ( ou six ordres de grandeur) en une heure. Toutefois, certains animaux sont capables de maintenir leur camouflage en modifiant l'intensité de leur bioluminescence. Ainsi en soumettant expérimentalement le calmar mésopélagique Abraliopsis à différents niveaux d'intensité lumineuse, celui-ci modifie l'intensité de sa lumière ventrale sur une échelle de plusieurs ordres de grandeur pour maintenir son camouflage. Il dispose pour cela d'une vésicule photoréceptrice qui lui permet d'ajuster l'intensité de sa bioluminescence, ce qui permet, le jour, de mimer la lumière du soleil en provenance de la surface et, la nuit , d'imiter la lumière lunaire pénétrant dans les eaux superficielles où il migre.

4.3. Identification de l'animal

4.3.1. Signes de reconnaissance spécifique

Dans la mer le motif des photophores pourrait jouer le même rôle que celui des couleurs dans la livrée des espèces épipélagiques. Cette "carte d'identité" ,survivrait notamment lors des périodes d'apprentissage, les jeunes peuvent à tout moment localiser leur tuteur.

Alors que de nombreux Stomiiformes portent de gros photophores dans la région céphalique, la plupart des Myctophiformes n'en possèdent que de petits, répartis régulièrement le long du corps. Dans le premier groupe, le rôle de ces glandes a été attribué à l'éclairage, dans le second, elles pourraient servir de reconnaissance (fig. 4.3). En effet la lumière émise par ces photophores est insuffisante pour éclairer convenablement le champs visuel de l'animal, et principalement la partie antérieure. De plus, chez ces espèces le nombre de photophores est moins important, ce qui facilite l'identification de leur motif ainsi, les différentes espèces de genre Diaphus se distinguent essentiellement par la disposition de leurs organes lumineux.

4.3.2. Dimorphisme sexuel

existe peu d'exemples de dimorphisme sexuel permanent de la luminescence. Cependant chez de nombreux Myctophiformes (Diaphus, Myctophum, Gonichthys), la localisation d'un photophore circulaire situé dans la région caudale permet de distinguer les mâles des femelles. Chez les mâles le photophore est en position dorsale, alors que chez les femelles, il se trouve en position ventrale et peut être divisé en plusieurs photophores de moindre importance. Même SI ces photophores fonctionnent indépendamment de l'activité des animaux, il se pourrait qu'ils remplissent une fonction juste avant et pendant la période de frai.

4.3.3. Parade nuptiale

Dans ce cas, les animaux présentent une luminescence exclusivement pendant les périodes nuptiales. C'est là que sont émis les signaux lumineux les plus complexes.

La majorité des donnés provient cette fois d'observations et d'expérimentations en milieu terrestre, qui portent presque toutes sur les lucioles. Le rôle sexuel de la luminescence de ces coléoptères est suspecté depuis plusieurs siècles. dans un ouvrage intitulé De luce animalium, en 1647, l'anatomiste danois Bartholinus notait déjà que les lucioles femelles utilisent leur lueur pour attirer les mâles. Les observations sur les lucioles américaines ont permis de découvrir la variété et la subtilité de cette communication lumineuse.

Dans la situation la plus simple, par exemple chez le ver luisant, ou Lampyre européen Lampyris noctiluca, seule la femelle, dépourvue d'ailes, est luminescente : perchée sur une brindille, elle émet une lueur prolongée en direction du ciel. Le mâle en vol reconnaît le signal par sa couleur et son intensité et se pose pour s'accoupler (fig. 4.4). Mais ce type de parade n'est efficace que lorsqu'une seule espèce est mise en jeu et qu'aucune confusion n'est possible.

Des échanges de signaux plus complexes ont lieu lorsque plusieurs espèces peuvent se trouver en présence, ou lorsque les densités de population sont élevées. Chez certaines espèces de la luciole américaine Photinus par exemple, les mâles émettent des paires de flashes séparés par un intervalle de temps caractéristique de l'espèce. La femelle répond, après un délai fixe, au second flash du mâle, par un signal lumineux dirigé vers ce dernier. L'information réside ici dans la séquence temporelle du signal (Fg, 4.4). Ce dialogue lumineux est parfois interrompu par d'autres mâles, qui insèrent leur propre flash e( rivalisent pour attirer l'attention de la femelle.

Les parades lumineuses peuvent être encore plus élaborées, et présenter une synchronie. Dans les cas les plus spectaculaires, chez certaines espèces de luciole asiatique Pteroptyx, d'énormes agrégations de mâles émettent des flashes en synchronie. Un mâle approche alors de la femelle tout en continuant d'émettre des flashes, mais en les dirigeant cette fois dans les yeux de la femelle, peut-être pour empêcher celle-ci de réagir à présence des mâles alentour.

Les parades synchrones pourraient constituer une adaptation pour améliorer le rapport signal/bruit, dans les situations où la densité de population perturberait sérieusement la communication par signaux non synchronisés. De plus, le contraste de la parade est amélioré, ce qui augmente la portée à laquelle celle-ci est visible.

Bien que moins connue, l'utilisation de la luminescence dans les parades de cour et d'accouplement est sans doute aussi répandue dans l'océan. Des comportements de cour lumineux ont été observés en eaux superficielles, chez des invertébrés marins effectuant des parades nocturnes, comme les petits crustacés ostracodes Vargula. Des observations sous-marines de ce crustacé ont montré que ces animaux disposent d'un système complexe de signaux lumineux sexuels. Lors de la parade, seuls les mâles sont luminescents, ils nagent à grande vitesse en laissant sur leur trajectoire des traînées de petits amas de sécrétions lumineuses. Les différentes espèces se distinguent par la direction de la trajectoire de parade (ascendante, descendante, en diagonale) mais parfois aussi par une accentuation de l'intensité de la première ou de la dernière partie du train d'impulsions (fig. 4.5).

On retrouve même, dans l'espèce Vargula graminicola, une synchronie comparable à celle des lucioles, tous les mâles regroupés en un essaim émettent des impulsions synchrones.

Chez les poissons, on rencontre une communication sexuelle par signaux lumineux entre mâle et femelles chez Anamalops. Les paires de mâles et de femelles, à l'écart du banc principal, émettent des motifs lumineux distincts. Le comportement de cour des espèces d'eau profondes demeure en revanche plus mystérieux. On suppose qu'un dimorphisme entre les deux sexes dans les organes lumineux serait caractéristique d'un luminescence à usage sexuel. Or de nombreuses espèces luminescentes présentent un tel dimorphisme. Ainsi, chez les calmars, l'un des deux sexes peut porter de grands photophores absents dans le sexe opposé. Cette hypothèse est renforcée par le fait que chez certaines espèces comme la pieuvre Japetella, les femelles portent des photophores particuliers qui ne se développent qu'à la maturité sexuelle, et disparaissent lorsqu'elles cessent d'être reproductrice.

4.4. Prédation par m mimétisme

Dans plusieurs situations, la bioluminescence semble jouer le rôle d'un leur , et peut même réaliser un mimétisme de très grande précision.

4.4.1. Leurre lumineux

La majorité des poissons femelles Ceratoïdea possèdent un organe lumineux, à l'extrémité de leur illicium. Grâce à une musculature, ce barbillon peut être amené en avant de la bouche du poisson, puis ramené en arrière. Selon certaines interprétations, le poisson utiliserait cet appendice pour attirer de petits animaux planctonophages en direction de sa bouche. Mais il n'existe pas d'observation suffisamment précise pour confirmer cette hypothèse, et les principaux arguments avancés, se réfèrent au comportement nocturne d'animaux de surface vis-à-vis d'un leurre lumineux. Or il est très probable que des espèces plongées en permanence dans l'obscurité des grands fonds ne réagissent pas de cette manière. De plus, ce leurre peut a priori attirer aussi bien une proie potentielle qu'un prédateur affamé.

4.4.2. Parade sexuelle

Des études approfondies ont pu mettre en évidence un rôle mimétique non équivoque de la luminescence. Certains animaux peuvent copier les caractéristiques des signaux d'une autre espèces, en particulier les signaux sexuels. L'un des cas les plus intéressants est le comportement agressif des femelles lucioles prédatrices du genre Photuris. Lors de la parade sexuelle, la femelle, stationnaire, répond à la séquence de flashes du mâle en vol; un dialogue lumineux s'ensuit, et le mâle atterrit près de la femelle pour la féconder. Après l'accouplement, le signal lumineux de la femelle change. Elle mime alors la séquence de flashes d'une autre luciole, Photinus, leurre les mâles de cette espèce, qui se posent près d'elle, et les dévore. Les femelles Photuris peuvent imiter plusieurs espèces, ce qui leur permet de leurrer les différents mâles disponibles. La réponse mimétique de ces femelles contient des éclairs insérés, ce qui peut être interprété comme un degré de mimétisme supplémentaire de la parade des Photinus. Elle peut être interrompue par l'insertion de flashes de mâles rivaux. La complexité de ces duperies met en relief la difficulté à valider les interprétations proposées.